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Comment les radionucléides migrent-ils dans l’argile ?

beeld van klei

Depuis plus de quarante ans, l’ONDRAF étudie les interactions entre les substances radioactives et l’Argile de Boom dans le cadre d’un stockage en profondeur des déchets radioactifs de haute activité et/ou de longue durée de vie.

Stéphane Brassinnes, expert au sein du département RD&D à l’ONDRAF

Nos scientifiques étudient notamment les mécanismes de migration de ces substances radioactives dans l’argile. Notre expert Stéphane Brassinnes vous en dit plus dans cette interview.

Comment est conçu ce stockage ?

Stéphane : « En l'état actuel des connaissances, le stockage en profondeur dans une couche géologique stable est considéré dans le monde entier comme le seul moyen sûr d'isoler à très long terme les déchets radioactifs de haute activité et/ou de longue durée de vie de l'Homme et de l'environnement. 

Ces déchets seront placés dans une installation construite à une profondeur de plusieurs centaines de mètres, dans une couche géologique stable, la « roche hôte ». Celle-ci constitue la barrière naturelle et la plus importante barrière, empêchant ou réduisant le mouvement des substances radioactives (aussi appelées radionucléides). Dans l’installation, les déchets seront entourés d’une série de barrières ouvragées (barrières physiques). »  

Diepe Berging concept

Stéphane : « Ces barrières ouvragées resteront intactes pendant une longue période, confinant les radionucléides afin de prévenir toute dispersion pendant les premiers milliers d'années. Avec le temps, elles finiront par se dégrader. Les radionucléides et autres contaminants chimiques qui se trouvent dans les déchets vont alors migrer dans les barrières ouvragées, et ensuite dans la barrière naturelle et son environnement.  

Au cours de cette lente migration, la plupart des radionucléides perdront une bonne partie de leur radioactivité par désintégration radioactive. La faible quantité qui finira par se retrouver dans la biosphère après des dizaines ou centaines de milliers d'années présentera un niveau de radioactivité en dessous des limites acceptables par les autorités de sûreté. »

Argile Argile

Quels mécanismes de transport des radionucléides étudions-nous dans le cadre de ce stockage ?

Stéphane : « Depuis plus de quarante ans, nous menons de nombreuses recherches à la fois sur le comportement et l’évolution de ce système de stockage, afin de permettre une analyse robuste de sa sûreté à long terme. Notre programme de Recherche, Développement et Démonstration (RD&D) se focalise essentiellement sur l'argile faiblement indurée comme roche hôte potentielle. Des études et des expériences sont menées à la fois en laboratoire de surface, sur des carottes d’argile, et dans le laboratoire souterrain HADES construit à 225 mètres sous terre à Mol, dans une couche d’argile faiblement indurée : « l’Argile de Boom ».

L’Argile de Boom se révèle être une roche très peu perméable et possédant une forte capacité de rétention (piégeage) de nombreux radionucléides et contaminants chimiques en raison de ses caractéristiques minéralogiques et chimiques. Elle présente donc une bonne aptitude à retarder leur migration dans l’environnement et joue ainsi un rôle essentiel dans la sûreté à long terme du stockage en profondeur. 

Nous focalisons la recherche actuelle notamment sur les mécanismes de migration de ces radionucléides dans l’argile. L’étude de ces mécanismes permet d’évaluer l'évolution du stockage et du milieu géologique dans lequel il est implanté. »
 

Nos études portent plus particulièrement sur trois mécanismes

HADES internal view Laboratoire souterrain HADES construit à 225 mètres sous terre à Mol

Le transport des radionucléides dans l’eau 

Stéphane : « Les argiles sont en quelque sorte des millefeuilles : elles sont constituées de très fins feuillets entre lesquels se trouvent des éléments chimiques, qui assurent la cohérence entre ces feuillets, et de l’eau. C’est ce que nous appelons l’eau interstitielle. Lorsque les barrières ouvragées se seront dégradées et que l’argile prendra le relais, les radionucléides entreront en contact avec cette eau interstitielle et s’y diffuseront. Comme cette eau interstitielle ne bouge presque pas, le transport des radionucléides sera excessivement lent. 
Nous étudions ce transport grâce à des expériences menées tant à petite échelle, en laboratoire, qu’à grande échelle dans le laboratoire souterrain HADES. Elles consistent à injecter des traceurs radioactifs dans l’argile et à suivre leur très lente migration. »  

Les « spéciations solubilité »

Stéphane : « Nos études de « spéciation-solubilité » visent à identifier l’espèce chimique dominante du radionucléide (« spéciation ») dans cette eau interstitielle. Observerons-nous un précipité, des suspensions colloïdales ou uniquement l’élément dissout ? Et quelles concentrations seront en jeu ? Ces informations sont essentielles car d’une part, les espèces chimiques du radionucléide conditionnent les modalités de sa migration dans l’argile. D’autre part, plus la concentration d’un radionucléide dans l’eau est élevée, plus son relâchement au cours du temps du système de stockage est élevé. 
Grâce à ces études, nous obtenons un inventaire des différentes espèces chimiques des radionucléides qui se retrouveront dans l’eau interstitielle de l’argile et nous pouvons évaluer les principaux mécanismes de transport de ces radionucléides. »

La sorption 

Stéphane : « Les couches d’argile présentent des surfaces chargées électriquement sur lesquelles la plupart des radionucléides vont venir se fixer. Il s’agit des mécanismes de sorption des radionucléides que nous étudions également. La sorption des radionucléides permet leur décroissance radioactive dans la roche hôte et limite ainsi leur impact radiologique lors de leur lente migration. 
L’eau interstitielle des argiles peu indurées, l’Argile de Boom en particulier, peut contenir une quantité importante de molécules organiques (résidus de plantes et d’animaux lors de la sédimentation de l’argile en milieu marin). Certains radionucléides présentent une très forte affinité pour ces molécules, ce qui réduit leur sorption chimique dans l’argile et favorise leur relâchement. Nous étudions donc aussi les interactions entre ces molécules organiques et les radionucléides afin d’affiner nos connaissances sur les mécanismes de sorption. »

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