Comment est constitué le sous-sol du site où sera construite la future installation de stockage en surface à Dessel, en Flandre ? Comment fonctionne l’écoulement de l’eau souterraine ? Les radionucléides pourraient-ils migrer dans cette eau souterraine ? Avec quel impact ?
Depuis 25 ans, nous étudions l’environnement hydrogéologique du site et nous évaluons la sûreté de la future installation.
Comment ? Les explications de Laurent Wouters et Frank Lemy, experts en géologie et en sûreté à long terme.
Pourquoi étudions-nous le sous-sol de Dessel ?
Laurent : « Les résultats de nos études des voies de migration possibles des radionucléides sont des éléments essentiels de l’évaluation de la sûreté de la future installation de stockage en surface qui sera construite à Dessel, en Flandre. Cette installation accueillera bientôt les déchets de faible et moyenne activité et de courte durée de vie.
Si un jour, des radionucléides devaient s’échapper de l’installation de stockage, ils migreront via l’eau souterraine qui se trouve sous le site, ce qui pourrait conduire à une contamination de l’eau utilisée par l’Homme, la faune et la flore. C’est pourquoi nous étudions depuis 25 ans l’environnement hydrogéologique du site où sera construite cette installation et de ses alentours : comment est constitué le sous-sol, comment fonctionne l’écoulement de l’eau souterraine, quelles sont sa vitesse et sa direction, quelle est sa composition chimique ? Et comment évaluons-nous la sûreté de l’installation de stockage compte tenu de ces paramètres ? »
Plus d’un million de mesures hydrogéologiques
Frank : « Depuis 1999, nous avons effectué plusieurs milliers de mesures de l’environnement hydrogéologique du site. L’objectif est de mieux comprendre cet environnement et d’établir un état des lieux de référence avant la mise en stockage des déchets radioactifs. C’est ainsi que grâce à plus de 150 piézomètres (des forages munis d’un tube d’environ 8 cm de diamètre à faible profondeur, avec une section équipée d’un filtre), nous mesurons notamment le niveau de l’eau souterraine et nous suivons sa composition et son comportement.
Depuis peu, nous sommes passés à plusieurs mesures par jour. D’ici à trois ans, nous disposerons ainsi de plus d’un million de mesures.
Cette surveillance hydrogéologique se prolongera lorsque les déchets radioactifs seront mis en stockage et durera jusqu’à la fin de la phase de contrôle de l’installation, c’est-à-dire pendant 350 ans. Nous pourrons ainsi immédiatement détecter toute anomalie et tout éventuel relâchement de radionucléides dans l’eau souterraine. »
Des modèles hydrogéologiques
Laurent : « Nous utilisons également des modèles hydrogéologiques qui simulent la migration des radionucléides et qui calculent la concentration de radionucléides à laquelle l’Homme et l’environnement seraient exposés en considérant des scénarios pessimistes. Dans ces scénarios, plusieurs voies d’accès par lesquelles la radioactivité pourrait pénétrer dans l’environnement sont prises en compte : les rivières, les zones humides et les puits de pompage.
Dans le premier cas, les radionucléides relâchés dans l’eau souterraine migrent vers la rivière « Petite Nèthe » située à proximité du site, et y sont davantage dilués. Dans le second cas, notre modèle calcule la concentration de radionucléides dans des zones humides (marais, prairies humides) situées dans la région. Comment une communauté vivant en complète autarcie sur des zones humides contaminées serait-elle affectée par cette contamination ? Et quelle en serait l’ampleur ? En d’autres termes, quel en serait l’impact radiologique ? Et enfin, dans le dernier cas, notre modèle simule un scénario similaire mais avec un puits situé à 70 mètres de l’installation qui servirait d’unique source d’eau à cette communauté. »
Frank : « Nos modèles intègrent les variations climatiques envisageables dans les années et siècles à venir. Ils intègrent également des changements liés aux activités humaines. Nous évaluons notamment l’impact que pourrait avoir une extension de l’activité d’extraction du sable blanc de Mol. Tous ces changements climatiques et humains pourraient avoir un impact sur les conditions hydrogéologiques du site et pourraient donc modifier les paramètres d’une éventuelle migration des radionucléides.
Enfin, grâce à nos modèles hydrogéologiques, nous avons une compréhension plus fine des voies de migration des radionucléides dans l’eau souterraine (direction, vitesse, profondeur). Les calculs effectués jusqu’à présent pour les différents scénarios de migration envisagés indiquent que l’installation de stockage respecte les critères radiologiques imposés par l’Agence fédérale de Contrôle nucléaire (AFCN). »