À Mol, à quelque 225 mètres sous terre, se trouve le laboratoire HADES. Une expérience unique à grande échelle baptisée PRACLAY y est en cours. Les chercheurs mesurent l'effet qu'aurait sur une couche d'argile profonde un dépôt de déchets de haute activité produisant de la chaleur. Séverine Levasseur et Xavier Sillen de l'ONDRAF nous en disent plus.
Depuis des décennies, l'ONDRAF mène un programme de recherche sur la destination finale des déchets de haute activité et/ou de longue durée de vie. Selon l’ONDRAF, le stockage en profondeur dans une couche géologique stable est la solution la plus adéquate. Et pour le vérifier, l’Organisme mène avec ses partenaires des recherches scientifiques approfondies. Une grande partie de ces activités se déroulent à HADES, où l’ONDRAF et le centre de recherche SCK CEN collaborent dans le cadre du groupement d’intérêt économique EURIDICE.
Faisabilité technique
PRACLAY est l'une des expériences menées à HADES. Elle simule à taille réelle les effets du stockage de déchets de haute activité émettant de la chaleur dans une couche d'argile profonde. Elle fournit ainsi des résultats importants pour la recherche sur le stockage géologique dans les argiles peu indurées comme l’argile de Boom ou les argiles yprésiennes, considérées comme des roches hôtes envisageables en Belgique.
Le laboratoire HADES a été construit dans les années 1980 dans l’argile de Boom à Mol, sous le site du SCK CEN. Le projet PRACLAY a débuté dans les années 1990, avec une phase initiale qui a permis de démontrer que la construction d'une installation de stockage géologique est faisable en utilisant des techniques industrielles.
Xavier Sillen, coordinateur scientifique à l'ONDRAF : « Nous avons suivi les mêmes étapes que pour la construction d'une véritable installation de stockage : après l’excavation du deuxième puits d'accès de HADES, la galerie de connexion avec le laboratoire existant a été construite. Ensuite, la galerie PRACLAY a été creusée en 2007. Elle se connecte perpendiculairement à la galerie principale, comme le ferait une véritable galerie de stockage. »
L’expérience de chauffe
Outre la démonstration de la faisabilité technique du stockage géologique, PRACLAY vise un deuxième objectif essentiel. Séverine Levasseur, qui pilote l'expérience de chauffe pour l'ONDRAF : « Nous voulons démontrer qu'une couche d'argile peut résister à la chaleur que dégagent les déchets de haute activité s'ils sont stockés sous terre. Les propriétés qui font de l'argile une roche hôte favorable au stockage géologique doivent être préservées malgré l'augmentation de température. »
« Fin 2014, nous avons donc commencé à réchauffer progressivement la galerie jusqu'à ce que la surface de contact entre celle-ci et l'argile atteigne 80°C. Nous avons atteint cette température en août 2015 et nous la maintiendrons pendant dix ans. La température est contrôlée par un système de chauffage électrique, et non avec des déchets radioactifs. Aucun déchet radioactif ne sera jamais stocké dans HADES. »
Pas identiques, mais représentatives
La température et la durée de l'expérience ne sont pas identiques à celles d'un stockage réel. Mais elles sont représentatives, explique Xavier Sillen. « La température attendue au contact entre une galerie de stockage et l’argile pour des déchets de haute activité serait inférieure à 80 °C. Nous avons placé la barre un peu plus haut en chauffant à 80 °C. »
« Nous avons également réchauffé plus rapidement que dans des conditions réelles, parce que toutes les études montrent que la phase d'augmentation de la température est la plus critique. L'argile de Boom est un matériau aux pores très fins remplis d'eau. Lorsque la température augmente, l'eau se dilate plus que l'argile, ce qui augmente la pression. Nous devions nous assurer que cette augmentation de la pression de l'eau n'allait pas endommager l'argile. »
Confirmation des résultats antérieurs
« Jusqu’ici, tout se passe comme prévu », nous confirme Séverine Levasseur. « La phase de chauffe s'est bien déroulée. Nous surveillons en permanence l'évolution de la température et de la pression de l'eau à l'aide d’une multitude de capteurs installés dans la galerie et jusqu’à plusieurs dizaines de mètres dans l’argile. Ces mesures confirment les résultats obtenus précédemment lors d'expériences à plus petite échelle. Cela prouve que nous avons une bonne connaissance du comportement de l'argile. »
« Après 2025, nous laisserons progressivement la température redescendre. De cette façon, l'expérience reste représentative. Nous ne voulons pas stopper brutalement le chauffage, car dans une véritable installation de stockage, la chaleur émise par les déchets diminue lentement. Une fois que tout aura refroidi, nous vérifierons si l'argile a conservé ses propriétés favorables. »
Les chercheurs démantèleront ensuite la galerie. Ils récolteront ainsi des informations précieuses sur la récupérabilité des déchets dans une vraie installation de stockage. Il sera notamment possible de vérifier si la paroi de la galerie a souffert de la chaleur soutenue.
Échange de connaissances
« PRACLAY a été une des premières expériences de démonstration à grande échelle de ce type dans l'argile. C’est la seule en cours dans une argile peu indurée. Cela rend l'expérience assez unique », note Xavier Sillen. « Depuis l’initiation du projet dans les années 1990, les études préliminaires et la mise en place de l'expérience ont régulièrement suscité l’intérêt à l'étranger. »
« Entre-temps, des projets similaires sont en cours en France et en Suisse, dont nous tirons nous aussi beaucoup d’enseignements », complète Séverine Levasseur. « Actuellement, nous partageons les résultats de PRACLAY via EURAD, un programme européen de recherche sur la gestion à long terme des déchets radioactifs. »