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DOE – Design of experiments : une méthode puissante de collecte et d'analyse de données pour la gestion des déchets radioactifs

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L’ONDRAF utilise la méthode des plans d’expériences (DOE – Design of experiments) depuis un peu plus de cinq ans dans le cadre de plusieurs projets de son programme de Recherche, Développement et Démonstration (RD&D). Cette méthode consiste en une suite d’expériences rigoureusement organisée par avance de façon à déterminer, en un minimum d’essais et avec un maximum de précision, l’influence de certaines variables sur un système ou un processus.

Erik Coppens, un de nos spécialistes du béton, vous illustre cette méthode à l’aide de deux exemples concrets : les expériences menées dans le cadre de l’étude sur la sensibilité du béton et l’étude sur la sorption du plutonium dans le béton.

Erik, en quoi consiste exactement un plan d’expériences ?

portret Erik Coppens

Erik : « Le plan d’expériences appelé aussi DOE (Design of experiments) est un ensemble de techniques mathématiques et statistiques utilisées pour planifier une expérience ou une série d'expériences. 
Imaginons que vous deviez confectionner un plat avec quatre variables : farine, levure, eau et temps de cuisson à 180°C. Quelle est la combinaison optimale de ces variables ? Dans une phase préliminaire, il faut définir les variables indépendantes. Notre recette se réduit à un problème à trois variables indépendantes : la proportion entre l'eau et la farine, la proportion entre la levure et la farine, et le temps de cuisson à 180°C. Nous abordons ensuite la question de manière très mathématique et la décomposons en plusieurs parties :

  1. laquelle de ces trois variables indépendante est importante ?
  2. existe-t-il des synergies entre ces variables ou agissent-elles parfois l'une contre l'autre ?
  3. les effets sont-ils linéaires ?
  4. le modèle ainsi obtenu avec ces effets est-il prédictif ? 

Cette cascade de questions illustre la structure mathématique qui est à la base de la méthode DOE. Les chercheurs répondent à ces questions une par une à l’aide d’un ensemble d’expériences qui est déterminé sur la base de trois éléments :

  1. Les réponses aux questions précédentes ;
  2. Les conditions dans lesquelles les futures expériences peuvent être exécutées ;
  3. Les outils statistiques qui seront utilisés afin d’analyser les données.

Sur la base de ces trois éléments, les mathématiques nous permettent d’identifier l’ensemble des expériences qui apportent l’information nécessaire. Mieux encore, les mathématiques nous permettent de connaître la précision des réponses avant même que les expériences ne soient réalisées. » 
 

Méthode OFAT ou DOE ?

Erik : « Les expériences reposent souvent sur la méthode « une variable à la fois », appelée aussi OFAT (one factor at a time). Cette méthode d’expérimentation consiste à fixer toutes les variables sauf une pour en connaître l’effet sur la réponse. Mais elle nécessite de très nombreuses expériences sans garantie que tous les effets importants auront été identifiés. 
Dans la méthode DOE, par contre, tous les effets possibles sont pris en compte lorsque les expériences sont déterminées. En appliquant la méthode DOE, il est donc peu probable que des effets importants ne soient pas identifiés. À titre comparatif, il arrive facilement que les interactions entre les variables ne soient pas identifiées en appliquant la méthode OFAT. Or, les interactions nous indiquent s’il existe des synergies ou si les variables agissent l'une contre l'autre. Bref, DOE, c’est une méthode puissante de collecte et d'analyse de données. »

Quels sont quelques exemples d’applications dans la gestion des déchets radioactifs ?

Erik : « Les processus sur lesquels nous effectuons des recherches sont évidemment plus complexes qu’une recette de cuisine et comportent souvent de nombreuses variables. Nous avons utilisé la méthode DOE pour répondre notamment à deux problématiques complexes liées à la future installation de stockage en surface des déchets radioactifs de faible et moyenne activité et de courte durée de vie. »

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La sensibilité du béton

Erik : « Le béton est largement utilisé dans l’industrie nucléaire pour le conditionnement et le stockage des déchets radioactifs. Il présente en effet une grande capacité de sorption, c’est-à-dire de fixation, des radionucléides et réduit ainsi leur mobilité. Nous avons récemment étudié la sensibilité de l’une des compositions du béton qui sera utilisé pour l’installation de stockage en surface. Cette étude visait à quantifier l'effet de petites variations dans la composition du béton sur ses propriétés. Nous avons identifié neuf variables indépendantes pouvant influencer ces propriétés. Je pense par exemple à la quantité de gravier ou de sable utilisé pour fabriquer le béton. 

Plusieurs bétons avec des variations de composition ont été déterminés en utilisant la méthode DOE et ensuite fabriqués à une échelle de laboratoire. Toutes ces variations étaient représentatives du spectre de variations que l'on peut rencontrer lors de la production industrielle du béton. L'objectif était d'identifier les variations qui peuvent avoir une influence significative sur les propriétés du béton et celles qui n'en ont pas.

Grâce à la méthode DOE, nous avons pu étudier l’impact de ces neuf variables en seulement douze expériences. Avec la méthode classique OFAT, nous aurions effectué probablement jusqu’à quatre fois plus d’expériences avec in fine, des résultats moins fiables. »

caissonfabriek - beton

L’impact de l’acide isosaccharinique sur la sorption du plutonium dans le béton

Erik : « L’acide isosaccharinique (ISA) est un produit de dégradation de la cellulose qui est connu pour réduire le facteur de sorption du plutonium dans le béton. Or, la cellulose est souvent présente dans les déchets radioactifs. De plus, il est plausible que d'autres variables puissent également influencer les propriétés de sorption.
En utilisant la méthode DOE, nous avons non seulement pu déterminer les variables qui, outre l’ISA,  influent sur les propriétés de sorption mais aussi le degré de leur impact et leurs interactions avec l'ISA. En effet, plusieurs variables entraient en jeu : la concentration d’ISA, la composition de l’eau présente dans le béton, la proportion de liquide par rapport au solide, la concentration de plutonium et la période de contact entre le béton et le plutonium. Soit au total quelques centaines, voire des milliers de combinaisons imaginables.

La méthode DOE nous a permis de ramener toutes ces combinaisons à tester à un total de 28 expériences. »

Cette étude peut être consultée ici

The impact of isosaccharinic acid on the sorption of plutonium in concrete